Burn-out militant, un mal qui touche de plus en plus le monde associatif
Conséquence de pressions dans la sphère professionnelle ou personnelle, le burn-out est devenu le mal de ce XXIe siècle. À tel point qu’il a aussi atteint le monde des associations et des collectifs. On parle alors de burn-out militant. Comment expliquer ce phénomène ? Voici des éléments de réponse.
- Le burn-out militant est un état d'épuisement chez une personne engagée pour une cause.
- La surcharge de travail et le manque de retombées peuvent mener au burn-out.
- Des solutions existent pour prévenir ce mal et soigner l’équilibre au sein du collectif militant.
Qu’est-ce que le burn-out militant ?
Le burn-out militant, que l’on peut traduire par un "épuisement militant", se caractérise par un ensemble de symptômes, qui apparaissent chez une personne engagée bénévolement au sein d’une cause politique, sociale ou d'intérêt général. Cet individu, qui donne de son temps pour une association ou un collectif, se trouve dépassé par l’ampleur de son rôle et des tâches à effectuer. Comme pour celui rattaché au travail, le burn-out militant s’illustre par un état de très grande fatigue physique, psychologique et émotionnelle chez le bénévole, qui finit par craquer et jeter l’éponge.
Depuis quand parle-t-on de burn-out militant ?
Le terme “burn-out” dans le monde militant a été employé pour la première fois en 2019, par l’activiste Anaïs Bourdet, à l’origine de la page Tumblr Paye ta shnek, explique le sociologue Simon Cottin-Marx dans la revue Mouvements. À force de recueillir des témoignages de femmes victimes de harcèlement de rue et d’être, elle-même, régulièrement la cible de remarques sexistes, elle s’est retrouvée à bout de force. Elle a choisi de mettre un terme à son travail, faute de voir de réelles améliorations grâce à ses actions. "C’est le genre de chose qui t’amène au burn-out", assurait-elle alors, dans un entretien accordé à Libération. Un mois plus tard, l’association Féministes contre le cyberharcèlement a, elle aussi, baissé le rideau, épuisée par la masse de travail réalisée et découragée face au peu de résultat qui en a découlé.
Mais le phénomène n’est pourtant pas nouveau. Déjà en Mai 68, on voyait "des corps fatigués par les manifestations, les débats ou les barricades", pointe l’historien Paul Boulland, cité par Simon Cottin-Marx. Au-delà de l’épuisement, le monde militant a connu, notamment dans les années 1970 avec les soutiens maoïstes, des dépressions, voire des suicides, provoqués par un surinvestissement des personnes engagées.
Quels sont les facteurs de risques ?
Plusieurs facteurs peuvent expliquer qu’un bénévole se retrouve en situation de burn-out militant. La surcharge de travail est l’une des principales causes. Elle se traduit généralement par un décalage entre la quantité de tâches à effectuer et la capacité des militants à absorber cette masse. Concrètement, cela signifie qu’il y a trop de travail par rapport à la quantité de personnes ou de temps disponibles pour le réaliser. Une situation qui peut alors pousser le militant à empiéter sur son temps personnel ou son repos, pour tenter de mener à bien cette mission démesurée, jusqu’à ce que son corps ou sa tête disent stop.
Un autre facteur pouvant conduire au burn-out est l'inadéquation entre la responsabilité du militant et sa capacité à prendre des décisions. S’il est autonome dans la réalisation de ses tâches et pleinement investi, il doit quand même suivre les directions de sa hiérarchie. De quoi, potentiellement, ralentir l’efficacité du travail effectué et ainsi décourager le bénévole.
La troisième explication à ce burn-out militant est qu’il y a peu de victoires. Si le temps passé à agir pour la cause pourrait être infini, les résultats sont minimes, voire, parfois, pratiquement invisibles. De quoi démoraliser la personne engagée, voire la dégoûter de ce fonctionnement. La perte du sentiment d’appartenance au collectif participe aussi à l’épuisement. Les désaccords, les conflits ou les non-dits peuvent s’installer à mesure que le groupe travaille et aboutir à un burn-out chez certains, s’ils ne sont pas pris en charge et traités.
Comment éviter le burn-out militant ?
Heureusement, tous les militants ne sont pas condamnés à un burn-out. L’important est de trouver un équilibre, à la fois individuel, mais aussi au sein du collectif, et de se créer des défenses pour faire face aux difficultés liées à la mission. Pour l’avocat et activiste trans états-unien Dean Spade, cité par Simon Cottin-Marx, il faut traiter les facteurs qui peuvent potentiellement être la cause d’un burn-out. Par exemple, il recommande de faire des problèmes internes une priorité, de former les nouveaux arrivants et de soigner leur accueil et leur intégration dans le groupe. Il suggère aussi d’établir des mécanismes pour évaluer la charge de travail de chacun et d’accorder du temps à la vie collective du groupe, en dehors des actions militantes. Comme l’environnement professionnel, le monde militant doit, lui aussi, veiller au bien-être de ses équipes s’il veut les garder de façon pérenne.